La démocratie locale en Europe et en Ukraine


Pendant trois jours je participe, en ma qualité de rapporteur du Conseil de l’Europe pour la démocratie locale en Ukraine, à un séminaire à Kharkiv. Avec
une quarantaine d’élus de l’Est de ce pays je débattrai de thèmes comme la Démocratie locale en Europe et en Ukraine, le Rôle des communes comme
acteur du changement, la Participation citoyenne, l’Ethique et la Responsabilité du mandataire. Je ferai part de mon expérience en Belgique, un collègue
anglais fera de même pour son pays et les élus ukrainiens le feront pour le leur. J’introduirai les débats par quatre exposés :

1- La démocratie locale en Europe et en Ukraine

Kharkiv 16 May 2017
Intervention de Marc Cools, rapporteur du Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux du Conseil de l’Europe pour la démocratie locale en Ukraine.

Mesdames et Messieurs en vos titres et qualités,
Chers Collègues,

J’ai le plaisir de représenter auprès de vous, avec mon collègue Andrew BOFF et votre compatriote Yulia SVITLYCHNA, le Congrès des Pouvoirs Locaux
et Régionaux du Conseil de l’Europe. Le Congrès est une des deux assemblées politiques du Conseil de l’Europe. L’autre étant l’Assemblée parlementaire.
Le Congrès regroupe des élus locaux et régionaux de 47 pays européens. C'est-à-dire de tous les pays européens sauf la Biélorussie. Au total le Conseil
de l’Europe et le Congrès représentent 800 millions d’européens !

Les trois priorités du Conseil de l’Europe sont l’Etat de droit, les droits de l’Homme et la démocratie. Le Congrès est lui plus spécifiquement en charge
du suivi de la démocratie locale dans les différents pays membres du Conseil de l’Europe. Cela me vaut l’honneur d’avoir été choisi comme rapporteur
pour la démocratie locale en Ukraine et d’avoir effectué plusieurs visites dans votre pays depuis 2013. Ma première visite a eu lieu en avril 2013 dans
un contexte politique très différent d’aujourd’hui vu qu’ à l’époque c’était encore Monsieur Ianoukovytch qui était Président de l’Ukraine. On m’a demandé
de vous faire un exposé sur la démocratie locale en Europe et en Ukraine et de vous présenter la Charte européenne de l’autonomie locale. C’est ce que je
vais faire dans quelques instants. Mais je voudrais tout d’abord vous dire que je me réjoui d’être parmi vous pour ces trois jours de workshop. Je suis
surtout venu pour vous écouter et j’espère que nos échanges d’expérience seront fructueux.

La Charte européenne de l’autonomie locale a été adoptée par le Congrès en 1985 et ratifiée en 1997 par l’Ukraine. C’est un instrument juridique
contraignant et un traité de référence pour la sauvegarde des droits des collectivités locales et régionales, comme le droit de jouir d’une autonomie, d’élire
leurs organes locaux, de disposer de structures administratives propres et de ressources financières suffisantes. C’est un texte court qui comprend 18
articles qui ont tous été ratifiés par l’Ukraine. Sauf pour les pays qui ont mis une restriction à son champ d’application, ce qui n’est pas le cas de l’Ukraine,
il s’applique aussi bien aux pouvoirs locaux que par extension aux pouvoirs régionaux. C’est un texte qui crée notamment l’obligation de processus de
consultation des pouvoirs locaux et régionaux avant que des mesures soient prises qui ont pour eux des conséquences financières. Votre pays a également
ratifié en 2014 le Protocole additionnel de la Charte sur le droit de participer aux affaires des collectivités locales. C’est un texte important qui garantit
la transparence de la gestion locale et qui encourage la participation citoyenne à celle-ci.

La Charte en tant que traité international a force de loi dans chaque pays et devrait s’appliquer directement dans chaque Etat membre. Dans certains
Etats il en est ben ainsi et des décisions judiciaires y ont annulé des mesures contraires à la Charte et en se fondant sur celle-ci. Je l’ai encore constaté
début de cette année lors d’une mission en Suisse. D’autres pays ont une autre attitude comme l’Italie dont la Cour Constitutionnelle estime que la Charte
ne s’impose pas aux pouvoirs judiciaires de ce pays. Dans certains pays les Cours suprêmes estiment que les dispositions de la Charte sont « trop vague »
pour instaurer des droits et obligations concrets reconnus par la législation nationale. Portant en signant et ratifiant cette Charte, les Etats en question se
sont engagés à mettre ses dispositions en œuvre et par conséquent aucune décision interne ou interprétation juridique spécifique ne saurait justifier le
non-respect de ses dispositions.

En principe tous les 5 à 8 ans une mission est envoyée dans chaque pays pour y vérifier l’application de la Charte. Cette mission se conclut par un rapport
et des recommandations. Dans la plupart des pays la Charte est globalement respectée. Il y a toutefois des cas de violation ou de conformité partielle.
En particulier dans les pays de la région du Caucase ( qui ont connu des conflits armés ces dernières années) et dans certains Etats successeurs de l’Union
soviétique mais aussi dans des démocraties plus anciennes d’Europe occidentale. La crise financière de 2008 n’est pas étrangère à cette situation et un peu
partout en Europe, à des degrés divers, on assiste à une certaine tendance à la recentralisation. On assiste même dans certains pays fédéraux, comme le
mien, à un centralisme régional plus fort que le centralisme de l’ancien Etat national.

L’Ukraine a fait l’objet à ce jour de deux missions de monitoring. Celles-ci ont conduit à des rapports et des recommandations adoptés par le Congrès
en 2001 et pour la seconde mission en octobre 2013, peu avant Maïdan. Dans le rapport de 2013 nous soulignions l’absence de progrès intervenus entre
2001 et 2013 en matière de démocratie locale et régionale. Nous mettions en exergue les retards importants pris dans les travaux de l’Assemblée
constitutionnelle pour mettre en œuvre une véritable réforme territoriale et nous constations que le pays restait très centralisé. Nous encouragions les
autorités ukrainiennes à mettre en œuvre rapidement une véritable décentralisation avec notamment une division claire des compétences et de l’action
administrative entre les administrations de l’Etat et celles des collectivités territoriales, un renforcement de l’autonomie financière de ces mêmes
collectivités, un système de péréquation équitable et transparent, l’organisation d’élections dans les villes où le poste de maire était vacant ( ce qui fut
fait après Maïdan).

Avec l’accord des nouvelles autorités ukrainiennes, le monitoring de l’Ukraine a été suivi d’un post-monitoring. Une délégation du Congrès a effectué
plusieurs visites. Elles ont abouti lors d’une rencontre à Kiev du 11 au 13 mars 2015 à l’élaboration, en coopération avec les autorités ukrainiennes,
d’une feuille de route pour la mise en œuvre des recommandations du Congrès. Cette dernière a été signée par le gouvernement ukrainien le 20 mai 2015.
Certaines des recommandations de ce post-suivi, malgré le contexte difficile du conflit dans une partie de l’est du pays, ont été mises en oeuvre.
Notamment en ce qui concerne un meilleur financement des collectivités territoriales. Le post-suivi insistait sur l’adoption rapide par le Parlement
d’amendements constitutionnels relatifs à la décentralisation. Certes en première lecture ces amendements ont été adoptés par le Parlement et ils ont
reçu le feu vert de la Cour constitutionnelle. Mais à ce jour, ce la n’a pas été à ma connaissance plus loin. Le gouvernement issu de la révolution orange
avait voulu réformer la constitution , sans y parvenir, pour approfondir l’autonomie locale et régionale. Le régime du Président Ianoukovytch avait mis en
place une Assemblée constituante avec le même objectif, sans plus de succès. Est-ce que pour une troisième fois la tentative de réforme va échouer ?
J’espère que non. La lenteur dans la mise en œuvre du processus de Minsk pour régler le conflit dans une partie de l’est ukrainien ne doit pas, à mon sens,
bloquer l’adoption d’une réforme constitutionnelle approfondissant dans le reste de l’Ukraine la décentralisation.

Deux grands débats ont lieu un peu partout en Europe. Le premier est celui du financement et le second celui des fusions des communes.

Sans moyens financiers, l’autonomie est seulement l’autonomie de ne rien faire. Mais il ne faut pas seulement que les communes reçoivent des
moyens, il faut aussi qu’elles puissent librement disposer de ceux-ci et décider souverainement des actions qu’elles entreprennent avec ces moyens.
L’article dont la violation est la plus souvent constatée lors des visites de monitoring du Congrès est l’article 9 paragraphe 7 qui spécifie que « Dans la
mesure du possible, les subventions accordées aux collectivités locales ne doivent pas être destinées au financement de projets spécifiques. L’octroi de
subventions ne doit pas porter atteinte à la liberté fondamentale de la politique des collectivités locales dans leur propre domaine de compétence ». Des
efforts méritoires ont été faits depuis Maïdan par les nouvelles autorités ukrainiennes pour accroître le financement des pouvoirs locaux. Dans un oblast
comme celui de Kharkiv ces efforts ont permis d’augmenter de 33% le budget régional. Les moyens des communes de la région de Kharkiv ont pour leur
part augmenté de 60%. Ces efforts doivent être poursuivis. Les moyens dont disposent les autorités locales et régionales en Ukraine restent beaucoup plus
faibles que dans beaucoup de pays européens.

Des entités locales très petites de quelques centaines ou même de 2 ou 3 mille habitants n’ont pas une taille critique suffisante que pour
exercer des compétences larges.
La fusion est alors nécessaire pour leur permettre d’avoir plus de pouvoir de décision. Il existe très souvent une
résistance culturelle à la fusion. C’est le cas dans des pays aussi différents que l’Autriche, la Suisse, la France, l’Espagne ou l’Ukraine. Dans les trois
premiers pays précités c’est la piste des associations de communes ou des collaborations intercommunales qui est le plus souvent retenue. En Espagne,
ce sont les provinces (l’équivalent en Ukraine des Oblasts) qui exercent les compétences des petites communes et le rôle des maires de celles-ci est
souvent limité essentiellement à celui d’organisateur des fêtes de village ! En Ukraine, le gouvernement encourage les fusions en promettant des moyens
financiers supplémentaires aux communes qui choisissent cette voie.

Je suis un ardent défenseur de l’autonomie locale. C’est au niveau local que la participation citoyenne peut le mieux exister. L’application du principe
de subsidiarité,
qui veut que ce soit le niveau de pouvoir le mieux à même d’assumer une compétence qui l’exerce, et c’est souvent le niveau local,
renforce l’efficacité de l’action publique. C’est un principe inscrit dans la Charte.

Une autre raison pour laquelle l’autonomie locale est essentielle c’est le fait qu’elle permet un contact direct entre l’élu et le citoyen . L’élu connait dès lors
réellement les réalités auxquelles ses concitoyens sont confrontés. La démocratie ce n’est pas la verticalité du pouvoir. Celle-ci s’accompagne toujours d’une
technocratie qui constitue un écran entre l’élu et le citoyen. La démocratie c’est le partage du pouvoir. Une autonomie locale et régionale conduit à des
majorités politiques qui ne sont pas identiques à tous les niveaux de pouvoirs et par là même garantit le bon fonctionnement de la démocratie.

Une démocratie n’est vivante que si les citoyens s’intéressent à la chose publique. Il nous faut combattre l’indifférence trop grande de nos
concitoyens vis à vis de la politique et les encourager à s’intéresser à la gestion publique. C’est au niveau local que cet objectif est le plus facile à
concrétiser.

La gestion publique c’est un triangle. Un premier côté du triangle ce sont les citoyens, un second ce sont les mandataires élus qui les représentent, un
troisième ce sont les fonctionnaires qui mettent en œuvre les politiques voulues par les mandataires en réponse aux demandes et besoins de leurs
concitoyens. Ces trois acteurs de la gestion de la Cité ont chacun leur rôle à assurer et doivent le faire avec le sens de l’intérêt général.

Ce que nous vivons aujourd’hui, partout en Europe, c’est plus qu’une crise économique, sociale et financière. C’est une mutation de société. Dans un tel
contexte l’innovation et l’ouverture d’esprit face au changement sont essentielles.

Une citoyenneté active couplée avec une bonne gouvernance, et en premier lieu une bonne gouvernance au niveau local, sont les meilleures garanties pour
permettre cette innovation et cette ouverture au changement.

Ce n’est pas un hasard si la Pologne et l’Ukraine avaient à peu près le même niveau de développement économique à la chute de l’Union Soviétique et que
depuis la Pologne a connu un fort développement au contraire de l’Ukraine. Et ce n’est pas uniquement dû à l’adhésion de la Pologne à l’Union Européenne.
C’est parce que à la chute de l’Union Soviétique la Pologne a fait le choix d’une importante autonomie locale .Plus de décentralisation peut permettre en
Ukraine un meilleur développement économique régional. Comme le soulignait le Congrès dans une de ses de résolution de 2013 : « les pouvoirs locaux
et régionaux sont des partenaires et des acteurs essentiels de la relance de l’économie européenne, du fait à la fois de leur rôle économique et de leurs
responsabilités sociales ». Accroître les investissements dans les infrastructures locales et régionales et dans les budgets locaux et régionaux ne peut
que promouvoir la compétitivité locale et encourager les investissements du secteur privé et stimuler l’emploi. Je pense d’ailleurs que la région de
Kharkiv est un bon exemple à cet égard.

Pour conclure, je veux vous dire que je crois en l’engagement politique. Seul celui-ci permet de changer les choses. Il doit être guidé par la recherche de
l’intérêt général et avoir pour objectif de répondre aux aspirations de nos concitoyens. La participation citoyenne, le dialogue social sont utiles pour
connaître ces aspirations et impliquer chacun d’entre nous dans leur concrétisation. C’est bien souvent au niveau local que cette participation, que ce
dialogue peuvent le plus facilement être mis en œuvre. Tout comme c’est au niveau local que l’élu voit le plus concrètement les résultats de son action
politique.

Alexis de Tocqueville a écrit dans son ouvrage « De la démocratie en Amérique » : « Sans institutions communales, une Nation peut avoir un Gouvernement
libre, elle n’a pas l’esprit de la liberté ». Notre ambition au Conseil de l’Europe en militant pour une réelle autonomie locale partout en Europe est que cet
esprit de liberté puisse partout souffler sur notre continent.

Ce n’est pas uniquement pour cet esprit de liberté, pour plus d’efficacité dans la gestion, pour un pouvoir plus proche du citoyen que la réforme et
l’approfondissement de l’autonomie locale est essentielle en Ukraine. Le passage d’une verticalité à une horizontalité du pouvoir est la garantie pour un
pays comme le vôtre qu’il n’y aura plus jamais, plus jamais de retour en arrière vers des régimes autoritaires.


Merci de votre attention.

Powerpoint de "La démocratie locale en Europe et en Ukraine", Kharkiv 16 mai 2017

2- Le rôle des communes comme acteur du changement

Kharkiv 16 May 2017 à 17h30
Intervention de Marc Cools, rapporteur du Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux du Conseil de l’Europe pour la démocratie locale en Ukraine.

Mesdames et Messieurs en vos titres et qualités,
Chers Collègues,

La Belgique est un Etat très décentralisé où les communes ont existé avant l’Etat nation. Dès le 13ème ou le 14ème siècle les villes s’affranchissent de
l’autorité des Princes et obtiennent d’eux des chartes de liberté. La Commune est dans mon pays une identité forte à laquelle ses habitants sont très
attachés. C’est un niveau de pouvoir proche du citoyen. J’ai été 15 ans député régional. Je n’ai jamais eu la même satisfaction que dans mon travail d’élu
local. Comme élu local je suis contacté chaque jours par des habitants. Comme député, je ne l’étais quasi jamais. Je vois la réalisation concrète des
projets dont je suis à l’origine, c’est ce qui me motive. Le mandat d’un élu local est de 6 ans en Belgique. Cela lui offre une stabilité dans son mandat
et une période de temps qui lui permet d’agir. J’en suis personnellement à mon sixième mandat d’élu local et le cinquième comme adjoint au maire.

Je me suis engagé en politique à l’âge de 16 ans. J’étais délégué étudiant lorsque j’étais étudiant dans l’enseignement secondaire puis à l’université. J’ai
toujours eu cette volonté d’être à l’écoute et au service des autres et de m’investir pour ce que je crois être l’intérêt général.

La politique a beaucoup changé ces 30 dernières années en Belgique. La population est beaucoup plus revendicative et parfois même agressive. Les élus
locaux, surtout depuis l’apparition des e-mail, sont beaucoup plus contactés que par le passé. Répondre à ceux-ci et traiter les remarques demande
beaucoup plus de temps. Il y a d’autre part dans mon pays une tendance à des procédures de plus en plus lourdes et complexes avant qu’une décision
puisse être prise. Il y a aussi une tendance à la diminution de l’autonomie locale. La Belgique est aujourd’hui un Etat fédéral. Les Régions
( l’équivalent des Oblasts en Ukraine) ont beaucoup de pouvoir. Un centralisme régional est né qui est beaucoup plus fort pour les communes que le
centralisme de l’ancien Etat national. Et puis comme partout, depuis la crise financière de 2008, les moyens financiers deviennent rares. Tout cela impose
à l’élu d’effectuer beaucoup plus de démarches, de devoir frapper à beaucoup plus de portes pour que ces projets puissent se réaliser.
L’engagement politique, la prise de responsabilité sont pour moi nécessaires si on veut faire changer les choses. Le changement est une nécessité
permanente. Un peu comme lorsqu’on roule à vélo. Si on ne pédale plus, on tombe.
Le danger lorsqu’on gère, c’est de se laisser enfermer dans la dictature du quotidien. Il faut gérer au jour le jour ce qui doit l’être mais il faut aussi
inscrire son action dans une perspective Il faut pouvoir penser et agir dans le long terme. C’est pourquoi j’ai été à l’origine dans ma commune de
l’élaboration d’un plan communal de développement, d’un plan nature qui fixe les actions à entreprendre pour améliorer la protection de la nature dans
ma commune et la biodiversité, de nombreux plans particuliers d’affectation du sol ( ce sont les plans réglementaires qui fixent pour plusieurs dizaines
d’années les règles d’urbanisme pour l’aménagement d’un quartier déterminé), de schémas de développements pour certains quartiers ( ce sont des plans
indicatifs qui fixent les objectifs en matière d’aménagement du territoire, de mobilité, d’infrastructures publiques,..) d’un plan lumière ( qui a fixé
pour 35 ans les objectifs et la programmation en matière de renouvellement de l’éclairage public). Grâce à des plans quinquennaux, les deux cimetières
communaux ont été rénovés ou sont en passe de l’être et sont gérés maintenant sans pesticides. J’ai obtenu la programmation et la réalisation de
plusieurs bassins d’orage indispensables pour éviter des inondations qui étaient récurrentes dans certains quartiers.

Le changement cela ne s’improvise jamais. Cela s’étudie et se prépare. Le changement cela nécessite aussi volonté et persévérance.
Lorsqu’on parle de changement, on doit être conscient que toutes les évolutions ne peuvent pas venir uniquement des pouvoirs publics, des municipalités
en particulier. Dans beaucoup de domaines, comme la protection de la nature, les économies d’énergie, la propreté publique, le renoncement à la voiture
pour des déplacements très très courts,.. l’acteur principal est le citoyen. Ce qu’une administration communale, ce que des élus peuvent faire, et ce
que je fais régulièrement, c’est de sensibiliser et informer aux mieux les citoyens et les soutenir dans leurs efforts.

Il faut aussi sans cesse les convaincre, et communiquer à cette fin, du bien fondé des actions que nous mettons en œuvre et obtenir leur soutien.


Merci pour votre attention.

3- La participation citoyenne

Kharkiv 17 May 2017 10h35
Intervention de Marc Cools, rapporteur du Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux du Conseil de l’Europe pour la démocratie locale en Ukraine.

Mesdames et Messieurs en vos titres et qualités,
Chers Collègues,

La démocratie ce n’est pas uniquement choisir et renouveler ou non périodiquement ses représentants. C’est un processus vivant et continu. Ce sont des
citoyens responsables qui s‘intéressent à la chose publique et qui sont encouragés à le faire par des processus participatifs. C’est au niveau local que ces
processus sont le plus facile à mettre en œuvre.

Quelques exemples concrets. Nous avons créé dans ma commune, Uccle qui est une des 19 communes qui forment Bruxelles en Belgique, un conseil
consultatif de la personne porteuse de handicap. Il est présidé par un aveugle et a pour objet :

-   de rendre un avis sur toutes les questions d’intérêt communal qui lui sont soumises par les autorités communales liées à la planification, à la mise en
    œuvre, au suivi, à l’évaluation de chaque action visant l’égalité et l’inclusion de la personne porteuse d’un handicap. L’avis de ce conseil est par exemple
    demandé pour l’aménagement de nouveaux bâtiments communaux ou pour les projets importants de rénovation de voirie
-   d’être le lieu d’information, de réflexion, de débat sur toutes les questions d’intérêt communal liées à la personne porteuse d’un handicap sur le territoire
    communal et permettant d’améliorer son autonomie et sa qualité de vie.

Nous avons aussi dans ma commune un conseil communal des jeunes. Il est composé de jeunes de 18 à 25 ans. Ils font des propositions au conseil
communal de réalisations qu’ils souhaitent ( création d’une piste de santé,…) et débattent de la gestion communale avec les élus. Le conseil des jeunes
organise lui-même, avec l’appui logistique de la Commune , des activités comme un festival de musique, des projections de film en plein air, des
rencontres de jeunes inter-convictionnelles,…

Je préside pour ma part presque chaque semaine une commission de concertation où les citoyens qui le souhaitent peuvent, après en avoir été informé
par une enquête publique, émettre leurs remarques sur les principaux projets d’urbanisme et d’aménagement du territoire. Ce n’est pas toujours un long
fleuve tranquille. Je suis souvent confronté au complexe que les anglo-saxons ont baptisé NIMBY ( not in my back yard). Rien à côté de chez moi. Qu’il
s’agisse de nouveaux logements, de crèches, d’une école , d’un arrêt de bus devant chez soi, d’entreprises, de commerces,…Des personnes s’opposent
parfois de manière égoïste à tout projet à côté de chez elles et ne tolèrent plus rien. Ce type de comportement n’est heureusement pas général. Il
illustre toutefois une perte du sens de l’intérêt général chez certains de nos concitoyens. Sans compter la désinformation qui est parfois faite sur
certains projets... Les élus locaux doivent dans ce cas là faire preuve de courage et agir dans le sens de l’intérêt général. Et ils doivent expliquer,
expliquer et encore expliquer.

Les citoyens peuvent aussi poser oralement directement, en conseil communal, des questions à l’exécutif communal. Ils doivent en faire la demande
écrite au préalable et fournir le texte de leur interpellation. Celle-ci doit être appuyée par 20 habitants ( ma commune en compte 82.000, ce n’est donc
pas un obstacle).

La participation citoyenne peut aussi prendre d’autres formes. Comme un repair café, des potagers collectifs ou des composts collectifs. Plusieurs
initiatives de ce type existent dans ma commune. En général sur des terrains que nous mettons pour ce faire à la disposition d’habitants.

Nous venons de tenter une nouvelle forme de participation. Suite à un nouveau lotissement, nous devons donner un nom à une nouvelle place publique
et à 4 rues. Nous avons lancé, via le site internet de la commune et les réseaux sociaux, un appel aux citoyens de notre commune pour qu’ils nous
fassent des suggestions pour ces nouveaux noms. Cette technique de la boîte à idées est très fréquente dans une ville comme Montréal, au Canada.

Pour recueillir les suggestions de nos habitants sur certains projets en gestation, il nous est arrivé de recourir à la technique du « post it ». Après un
exposé de présentation, les citoyens se réunissent en petits groupes et écrivent leurs idées sur un post it anonyme qui est collé sur un tableau. Cela
facilite le dialogue et l’expression de ceux qui ne sont pas nécessairement des orateurs. Nous avons beaucoup recouru à cette technique lorsque nous
avons élaboré l’Agenda local 21, le plan d’action de notre commune pour un développement durable. Toute une série de réunions à thèmes furent
organisées. En général la participation est plus forte lorsque l’avis des citoyens est demandé sur un projet très précis que sur un plan général. Ainsi la
mobilisation va être importante, avec des avis parfois contradictoires, pour débattre si on met ou non une rue à sens unique, si on y installe des
horodateurs, si on y autorise un projet immobilier d’une certaine ampleur,…

Le Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux encourage la démocratie participative. Celle-ci ne s’oppose pas à la démocratie représentative, qui est
indispensable, mais la complète avec l’objectif de permettre aux citoyens de mieux comprendre et influencer l’action de leurs élus .La Semaine
Européenne de la Démocratie Locale, coordonnée par le Congrès, sera organisée cette année du 9 au 15 octobre 2017. Son thème est pour 2017
« Participation, consultation et engagement des citoyens : pour que vive la démocratie locale ». Je ne peux qu’encourager vos communes, si elles en
ont la possibilité, de développer pendant cette semaine des activités centrées sur la participation citoyenne.


Merci de votre attention.
4- Ethique et responsabilité: le rôle des élus locaux

Kharkiv 18 May 2017 11h45
Intervention de Marc Cools, rapporteur du Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux du Conseil de l’Europe pour la démocratie locale en Ukraine.

La légitimité ne provient pas uniquement de son élection mais aussi de la manière avec laquelle on exerce la charge qui est la sienne. On ne peut pas
prétendre être au service de ces concitoyens , agir pour l’intérêt général et ne pas avoir un comportement irréprochable.

Pourtant des scandales éclaboussent régulièrement la classe politique un peu partout en Europe et dans le monde. C’est le cas actuellement dans mon
pays, la Belgique, où vient d’éclater un scandale concernant les rémunérations excessives d’élus dans certaines sociétés intercommunales qui
touchaient des sommes astronomiques sans participer ni produire aucun travail pour en bénéficier !

En Italie, des opérations mains propres ont dû être menées il y a quelques années pour assainir une situation où la mafia grâce à ses liens avec certains
responsables politiques, y compris des élus locaux, pesait de manière importante sur les décisions politiques et en particulier sur l’octroi des marchés
publics.

En Ukraine aussi la corruption est une réalité et doit être combattue.

Le Congrès des Pouvoirs Locaux et Régionaux du Conseil de l’Europe s’est beaucoup investi et continue à s’investir sur cette question de l’éthique. Ainsi
lors de sa 32ème session au mois de mars dernier il a approuvé une liste de critères pour prévenir l’utilisation abusive des ressources administratives
lors des élections locales et régionales. Il a adopté en 1999 un « Code de Conduite Européen Relative à l’Intégrité Politique des Elus Locaux et Régionaux ».
Ce code comporte 25 articles qui traitent de sujets aussi divers que les conflits d’intérêt, le clientélisme, l’interdiction de la corruption, le respect de la
discipline budgétaire et financière, la limitation des dépenses électorales, la publicité et la motivation des décisions prises, l’objectivations des
engagements au sein de l’administration, …

La plupart de ces dispositions sont dans mon pays traduites dans la loi et leur non-respect peut être sanctionné.

Une manière de les faire respecter est la transparence. Transparence sur la rémunération des élus et leurs avantages en nature, transparence sur les
marchés publics,… Cela se fait dans mon pays par le biais de publications obligatoires.

L’éthique ne se limite toutefois pas au seul respect des dispositions précitées. L’éthique c’est aussi le sérieux avec lequel on assume son mandat.
C’est ce qui a conduit une des associations régionales de villes et communes de mon pays, l’Union des Villes et Communes Wallonnes, a adopté un code
déontologique en 18 points qui demande notamment aux conseillers communaux de s’engager à :
- Exercer leur mandat avec probité et loyauté ;
- Spécifier s’ils agissent en leur nom personnel ou au nom de l’institution locale qu’ils représentent, notamment lors de l’envoi de courrier à la population
  locale ;
- Assumer pleinement ( c'est-à-dire avec motivation, disponibilité et rigueur) leur mandat et leurs mandats dérivés ;
- Rendre compte régulièrement de leurs mandats dérivés ;
- Participer avec assiduité aux réunions des instances de l’institution locale, ainsi qu’aux réunions auxquelles ils sont tenus de participer en raison de leurs
  mandats dérivés dans le but exclusif de servir l’intérêt général ;
- Rechercher l’information nécessaire au bon exercice de leur mandat et participer activement aux échanges d’expériences et formations proposées aux
  mandataires des institutions locales et ce tout au long de leur mandat ;
- …

Un travers qui n’est pas répréhensible légalement mais qui, à mon sens, est contraire à l’éthique c’est de céder à « l’Etat spectacle »,à privilégier le discours
sur les actes, la publicité, les opérations de relation publique et les effets d’annonce sur les réalisations concrètes. A pratiquer ce que la Rome antique
connaissait déjà : « les pains et les jeux ».

Je crois profondément en la politique, en l’engagement politique. C’est la seule manière de faire changer les choses. Mais en tant qu’élu, nous ne devons
jamais, jamais oublier que nous sommes des représentants de nos concitoyens et que cela nous crée l’obligation d’agir dans le sens de l’intérêt général
et en conformité avec l’éthique.

Merci de votre attention.


Marc Cools

©2012 Marc Cools - marc.cools@brutele.be - marccools.be